Intervention d'Alain Roquejoffre selon nos notes

Publié le par riposte2010

IMGP1186 

Intervention d'Alain Roquejoffre, sociologue

 

Tentative de dire l'indicible du travail social, dire l’indicible à ceux qui ne savent pas qu'il y a de l'indicible dans le travail social.

 

 

La gouvernance de l'action sociale

C'est un certain type d'idéologie avec, derrière, des dispositifs qui cachent de l'idéologie.

Le terme « gouvernance »

Ce terme apparaît vers 1740 et renvoie alors à l'administration de territoires.

On le retrouve vers 1970, comme un mode participatif, avec des valeurs sémantiques : la proximité, la souplesse, la transversalité, l'éthique.

C'est un terme qui euphémise celui de gouvernement : c'est mieux et plus moderne. On parle alors de « bonne gouvernance » qui est un pléonasme. L'euphémisation de gouvernement est une manière d'éviter la question du pouvoir et celle du politique.

Les travailleurs sociaux ont une responsabilité de mise en oeuvre de pratiques dans le cadre de l'intérêt général, dans une mission de service public émanant du peuple.

Voir Jean Boblérot

 

Présentations en trois parties :

 

I- Quelques éléments idéologiques à l'oeuvre dans l'action sociale

 

Il y en a cinq :

- La dualisation hiérarchisée du temps sur un avant approximatif : « avant » c'était très bien ou complètement nul et un lendemain, « demain » c'est une disposition organisationnelle. Par contre absence du présent (cela renvoie à « L'avenir radieux » ou au film « 1984 »).

- Le changement comme valeur : la passion du commencement qui impliquerait que du passé, il faut faire table rase.

- L'imaginaire à l'œuvre : les sociétés pourraient être débarrassées de tout problème et la démocratie serait un lieu apaisé, sans conflit.

- Les certitudes technocratiques : Jacques Ellul. Le pouvoir de la technique et le pouvoir au service de la technique : on pourrait mesurer les effets de l'action sociale. L'absence d'évaluation de l'action sociale freine la possibilité de dire l'indicible.

- La transposition à l'identique de l'économie libérale marchande. Le travail inestimable, selon Houry.

 

II- Les systèmes de régulation qui s'imposent dans le travail social

 

  • Syndrome de l'organisation, de la réorganisation : quand la forme de l'établissement sera établie, on pourra travailler : c'est le syndrome de la cabane : « on pourra jouer quand la cabane sera finie ».

  • Place grandissante des agences comme mode de régulation : l'agence régionale de la santé (ARS) l'agence nationale d'appui à la performance (ANAP) ; il existe une quinzaine d'agences d'abord dans le domaine médical puis sept à 10 agences dans le secteur social. C’est une disposition technocratique qui échappe à la démocratie.

  • Autonomisation du sanitaire, du médico-social aux transversales de la DGRCS :

Les effets négatifs : des champs qui seraient différents et qui ont pour effet un découpage de la personne.

Les effets positifs : réfléchir globalement à la question du soin et de l'accompagnement.

Cette répartition en agences pose des questions.

 

L'agence régionale de la santé, c’est la voix de son maître : il devrait être notre voix, il nous faut donc dire « pensons ». Les agences sont un échec de la pensée.

 

Les piliers de la gouvernance de l'agence régionale de la santé :

Recherche de la masse critique c'est-à-dire de la taille maximale pour un établissement pour rester de proximité. La masse critique est fondée sur une idéologie : si on ne fait pas assez, on ne sait pas faire (exemple le centre de radiologie de Guéret).

Mettre en oeuvre la démocratie sanitaire.

Mettre en oeuvre la qualité (au travers de la certification).

L'obsession de la bien traitance : les protocoles à mettre en œuvre.

Circulaire du 3 septembre 2010 : les cadres de proximité doivent être formés à la conduite du changement dans l'action sociale, dans l'équipe ; ils doivent être formés à lutter contre la résistance.

Structuration des actions politiques en schéma : exemple le schéma des agences régionales de la santé qui sont un balisage.

Appel à projets : question des besoins largement balisés en amont et on s'éloigne du sujet.

La notion de besoin est un langage technocratique mais qui n'est pas en adéquation avec ce que nous voyons dans le travail social, il gomme la réalité au profit des catégories.

 

III- Le rôle des intermédiaires comme les associations dans la gouvernance.

 

C'est un combat politique et citoyen, les citoyens qui ont arraché la loi de 1901 (en même temps que peut exister le multipartisme, les syndicats et la laïcité en 1905).

Les associations ont un rôle prépondérant pour faire advenir des droits et sont en perpétuelle confrontation avec l'État.

En France, l'action sociale et gérée par des associations largement majoritaires.

Lire Jacques Latsue en 2000 qui écrit sur le rôle de contre-pouvoir tribunitien des associations ; aujourd’hui, elles n’ont plus se contre-pouvoir mais elles deviennent gestionnaires.

 

Dans la construction juridique des associations de type loi 1901,il y a un fait qui n’est pas démocratique : c'est la cooptation des administrateurs.

On attend de ces personnes une compétence à gérer ce qu'ils ont à gérer ; or, nous n'avons aujourd'hui aucune garantie sur ce point : il n'y a pas de prise démocratique sur cette cooptation.

Il faudrait envisager que pour être administrateur, il faudrait être sur une liste d'aptitude et l'on serait choisi par le préfet sur ses compétences.

Autre défaut des associations : la question des valeurs des associations : dans un projet associatif, quelles sont les valeurs ?

Egalité fraternité et liberté, cela peut suffire comme valeur fondamentale de citoyenneté.

Sur quoi peuvent-elles fonder un combat politique ?

Le corps intermédiaire des associations est une barrière au combat politique du travail social

Voir la revue « Forum » de décembre 2009.

En conclusion une phrase d’Oscar Wide : « on connaîtra parfaitement le prix des choses sans en connaître la valeur. »

« Le sommeil de la raison produit des monstres » Goya.

 

 

Cela renvoie au risque démocratique des associations qui restent entre soi (consanguinité) et cela pose problème :

Des associations sont aussi communautaristes

Elles ne vont pas taper là où il faudrait.

Elles ne jouent plus le rôle d'intermédiaire et sont directement dans la loi.

Elles semblent immortelles car :

Elles reposent sur un mythe,

Elles reposent sur des emplois

Elles reposent sur une valeur économique.

 

La réforme générale des politiques publiques vise à confier des missions régaliennes au secteur privé :

L’Etat est de moins en moins porteur des valeurs fondamentales que sont liberté, égalité, fraternité.

IMGP1199

 

 

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